L’apprentissage des arts martiaux est censé nous permettre de faire face à une attaque avant que celle-ci aboutisse. N’importe quel combattant trouvera donc absurde de laisser un adversaire aller dans son dos. Il fera d’ailleurs tout son possible pour réagir au mieux et que cela n’arrive jamais.
Pourquoi travailler des techniques et des attaques arrières ?
Nous ne sommes pas parfaits
Tout d’abord, il est important de prendre en considération le fait que nous faisons tous des erreurs. Nul doute que dans un contexte libre où les règles sont absentes, où l’environnement peut être parsemé d’embûches et où toutes nos émotions peuvent nous jouer des tours, ces erreurs pourront être nombreuses. Il est donc probable que l’on soit touché, déséquilibré ou que l’on se retrouve avec un adversaire dans le dos. Différentes situations pouvant naturellement faire place à l’utilisation d’une technique arrière.
Plusieurs adversaires
De plus, dans le cas d’une opposition face à plusieurs adversaires et malgré toutes nos compétences et notre bon vouloir, il sera évidemment difficile de ne jamais se retrouver dos à l’un d’entre eux. Il est donc tout à fait normal d’évoquer les Ushiro Waza dans les cursus techniques des divers arts martiaux.

L’aspect pédagogique
D’autre part, la majorité de l’apprentissage martiale se fait à partir de la mise en place d’un contexte « idéal » où l’on se trouve face à l’attaquant, prêt et disponible, afin de pouvoir réagir immédiatement et prendre l’ascendant dès les premiers instants. Si un affrontement réel est bien évidemment une situation toute autre, il est important de continuer à travailler ces situations « idéales » d’un point de vue pédagogique. En effet, c’est par ce biais que l’on pourra développer certaines capacités pouvant être réutilisées dans une situation moins conventionnelle.
Ce contexte pédagogique permet d’appréhender la désagréable sensation de quelqu’un qui nous attaque par derrière. Souvent associée à la traîtrise, cette situation met immédiatement mal à l’aise. On voudrait voir, on voudrait entendre, on voudrait se savoir en sécurité, mais le fait de tourner le dos nous met instantanément dans l’inconfort, tout en nous obligeant à nous recentrer sur nos sensation et l’intention d’Aïte. Inconfort qui soit dit en passant devrait être le compagnon de pratique régulier de tout Budoka. Voilà pourquoi il est aussi intéressant de pratiquer les Ushiro Waza.
L’aspect adaptatif
Enfin, que ce soit lors d’une attaque de dos, de face, de côté ou de trois-quarts, les principes sont souvent équivalents. Les compétences développées par l’étude des Ushiro Waza pourront donc être réutilisées sur tout un ensemble de situations.
D’ailleurs, lors de l’échange entre deux pratiquants, il est probable que les premiers mouvements induisent naturellement, à un moment ou un autre, l’utilisation de techniques arrières. Il est donc intéressant, voire nécessaire, de les étudier et de s’y préparer.
Différents types de Ushiro Waza
Lorsque nous parlons d’Ushiro Waza, nous pouvons faire référence à plusieurs types de techniques : 1/ les techniques effectuées vers l’avant, en rotation par l’arrière ; 2/ les techniques effectuées en arrière, de dos ; 3/ les techniques effectuées en se retournant sur une attaque arrière.
En rotation par l’arrière
Si l’on apprécie les coups de pieds retournés de Jean-Claude Van Damme ou Chuck Norris au cinéma, il est évident que le fait de tourner le dos nous met immédiatement en danger. Même dans l’univers des sports de combat, les techniques en rotation par l’arrière sont peu utilisées car risquées. Dans le cadre des arts martiaux, avec l’idée d’autodéfense ou de combat réél associée, ce type de techniques ne sont, à première vue, pas du tout adaptées.
Néanmoins, elles existent et persistent même dans les écoles les plus « traditionnelles ».
Alors pourquoi et dans quel contexte utiliser ces techniques ?
Quelque soit notre pratique martiale, nous avons tous pour objectif de réaliser la technique qui nous donnera l’avantage. Suivant les écoles et les disciplines, cela pourra passer par une technique puissante, rapide, voir les deux.

Lorsqu’elles sont maîtrisées et bien utilisées, les techniques en rotation par l’arrière permettent cela.
Le fait d’engager l’ensemble du corps dans une rotation pourra développer une grande puissance. Et si lors d’une esquive, d’une parade, voire même d’un déséquilibre, mon mouvement corporel initie un début de rotation du buste, poursuivre cette rotation et l’utiliser reste sans doute un des meilleurs moyens d’obtenir une technique rapide et puissante à laquelle l’adversaire ne s’attendra pas.
Sur une attaque arrière
Comme nous l’avons dit précédemment il y a également deux façons de réagir à une attaque arrière, se retourner ou rester de dos. Si bien entendu, chacun préférera généralement pouvoir faire face à l’opposant, le choix de se retourner ou pas pourra être induit par la situation. Il sera parfois trop tard pour prendre l’initiative et se retourner. Et dans certains autres cas, notamment s’il y a plusieurs adversaires, il pourra alors être judicieux de garder le regard vers le ou les autres assaillants.
Avant contact, l’ensemble de la panoplie technique est applicable, que ce soit par exemple Ushiro Geri de dos ou Kote Gaeshi après s’être retourné.
Mais une fois l’adversaire au contact, la panoplie devient restreinte. Seuls quelques mouvements seront possibles pour se créer de l’espace et prendre l’ascendant. C’est donc uniquement dans un second temps que l’on pourra (et devra) s’adapter au mouvement et à la position d’Aïte afin d’appliquer notre technique finale.

Une fois que l’on réussit à se retourner sur une attaque arrière, la technique que l’on effectue est finalement semblable à celle utilisée lors d’une attaque de face. C’est donc sur cette instant crucial qu’il faut focaliser son attention lorsque l’on aborde l’étude de ce type d’Ushiro Waza. Comment et à quel moment se retourner ?
De face, lorsque l’on est surpris par l’arrivée d’une attaque, notre regard peut à tous nous induire un mouvement réflexe de protection et de prise de distance. Mais lors d’une attaque par l’arrière, l’information visuelle est absente et l’effet de surprise devient nettement supérieur. Il faut donc réagir dans l’instant de la sensation, en se basant uniquement sur notre ressenti, ignorant même de potentielles informations visuelles ou auditives qui risqueraient de nous induire en erreur. C’est en cela que la lecture d’intention et notre sensation corporelle au moment où Aïte arrive au contact sont importants, voire même primordiaux.
Ensuite ce sera notre capacité d’adaptation qui prendra le relais et qui devra nous permettre de réagir en adéquation avec la situation générée par le partenaire/adversaire.
Pour conclure
« L’Aïkido c’est Irimi et Atemi, Awase et Musubi » entendons nous souvent.
Les Ushiro Waza ne font pas exception à cette maxime.
Que ce soit pour faire face à plusieurs adversaires, pour nous adapter à la situation et à nos erreurs ou lors de l’apprentissage pédagogique, l’étude des Ushiro Waza permet de développer de multiples compétences.
Lors de cette étude, l’accent sera mis sur la gestion de l’intervalle de distance et de temps (Maaï), le rythme (Yoshi), mais aussi la perception de l’intention de l’adversaire (Yomi).
Au contact, il faudra frapper pour se donner de l’espace. A distance, il faudra prendre en considération le déplacement d’Aïte afin de ne pas faire une technique trop tôt ou trop tard. Dans les deux cas, il faudra aller à la rencontre de l’autre et s’harmoniser à son intention.
Cet article a initialement été publié dans le magazine Dragon – spécial Aïkido.
Mais il est bien sûr évident que son contenu dépasse le cadre de l’Aïkido et peut parfaitement faire écho à l’ensemble des pratiquants, quelle que soit leur discipline.