Mon parcours

Comme beaucoup de jeunes enfants, j’ai fait mes premiers pas dans les arts martiaux à 6 ans en commençant par le Judo. Je voulais déjà faire du Karaté pour faire comme Jean-Claude Van Damme, Chuck Norris, ou Bruce Lee. Mais pour ma maman c’était hors de question (Je n’allais pas être de ces individus qui se tapent dessus).

Tu vas plutôt faire du Judo

Cela ne durera pas plus d’une année. Ce n’est pas que je n’aimais pas le Judo, mais plutôt que je n’adhérais pas à l’ambiance du club, au cours, au professeur…

Je veux faire du Karaté

A chaque rentrée, je prononçais ces mots. Et il fallut attendre mes 10 ans pour que ma mère accepte d’aller voir le Karaté. Par chance, j’avais dans ma classe de primaire une fille qui faisait du karaté avec son grand frère depuis quelques années. En parlant avec ses parents, ma mère a finalement accepté de me conduire au dojo pendant l’été pour que je vois ce que c’était. Etant un petit garçon plutôt timide et pas du tout bagarreur, je pense qu’à ce moment ma mère était encore persuadée que lorsque j’allais voir les karatékas en action, je ne voudrais plus y aller.

Un soir d’août 1995, me voici donc au dojo municipal pour prendre des renseignements sur le club de Karaté. Comme chaque été, le dojo reste ouvert en soirée pour les pratiquants qui veulent s’entraîner. Il n’y a pas de cours dispensé par un professeur, mais chacun peut y pratiquer librement. C’est un moment de la saison que beaucoup apprécient encore aujourd’hui, moi le premier, puisqu’on y retrouve les amis et copains du dojo pour pratiquer. Bref, ce jour là, de nombreux anciens s’entraînaient, notamment en combat. Le kimono blanc, la ceinture noire, des gants de boxes, des grands coups de pieds, de quoi émerveiller le petit garçon que j’étais et qui rêvait depuis quelques années déjà de faire du karaté. C’était pour moi la première fois que je voyais des adultes « se battre » pour de vrai. Les combats étaient intenses et cela ne rassurait pas du tout ma maman.

Malgré tout, elle me demanda si c’était vraiment ce que je voulais faire.

Je souris, je hoche la tête, et je répondis oui

Septembre 1995, c’est donc le début de l’aventure. Je fais mes premiers cours de Karatedo avec Sylvie Lagrange. J’avais la chance d’avoir plusieurs professeurs et j’ai toujours vu cela comme un gros avantage. Car en effet, si Sylvie s’occupait des cours enfants du jeudi et samedi auxquels je participais, comme j’étais costaud, j’avais l’autorisation d’aller aussi au cours des grands le mardi. Oui oui, le cours des grands, avec les adultes, les ceintures noires, et les champions du club. De quoi m’émerveiller un peu plus. Je me souviens notamment que ce cours du mardi était souvent dirigé par Alain Montes, un petit homme à moustache d’un peu plus d’1m60 qui m’a dès mon plus jeune âge fait comprendre que le petit, en apparence plus faible, peut dominer le grand costaud.

Et voilà, mon parcours de Budoka avait commencé et je m’entraînais régulièrement 2 ou 3 fois par semaines. J’ai aussi fait mes premières compétitions, et ce n’était vraiment pas glorieux à l’époque…

Malheureusement, quelques années plus tard les problèmes de santé de mes parents m’ont obligé à stopper la pratique quelques temps puisque ils ne pouvaient plus me conduire au dojo. Pendant ce temps, j’ai fait de la musique, et finalement ce n’était pas si opposé. Lier les mouvements ou les notes, suivre les temps et les contre temps… La musique et le combat ont finalement beaucoup en commun.

Finalement j’ai pu reprendre ensuite le Karaté et lorsque je suis entré à l’Université, le permis de conduire en poche, la possibilité de m’y rentre seul, j’ai pu multiplier les heures d’entraînement. En effet, entre 18 et 25 ans, je m’entraînais presque tous les jours, une quinzaine d’heure notamment avec Noël Carrère et Sylvain Queyroi.

Plus les compétitions et les stages, les semaines étaient donc bien remplies.

Si je faisais de la compétition à cette époque, c’était plus pour être avec les copains, que pour gagner. Cela ne m’intéressait pas trop. J’ai même loupé deux fois la coupe de France car je préférais rester à Bordeaux pour participer à un stage de Jean-Pierre Lavorato qui, à mon sens, m’apportait plus. Pour moi c’est l’entraînement qui comptait. Je voulais apprendre, apprendre et apprendre, faire, faire, et refaire. Du coup n’étant pas à fond dans la compétition, je me débrouillais, mais je ne gagnais pas. Qu’est ce que j’ai pu être classé 3ème …

Les heures d’entraînement étaient donc nombreuses, mais il me restait encore du temps (il est vrai que mes études ne m’ont jamais demandé beaucoup de temps, j’ai toujours réussi sans difficulté), j’en ai donc profité pour compléter ma pratique. Et chaque semaine pendant plusieurs années, je faisais aussi du Judo et du Jujitsu. Et je m’essayais également de temps en temps à d’autres arts martiaux et sports de combat. Alala, c’était une belle époque, rien à penser, juste à m’entraîner et progresser pour moi.

En parallèle de tous ces cours, j’ai commencé à enseigner pour donner deux cours enfants dans un club en centre ville de Bordeaux. J’ai passé mon diplôme d’instructeur fédéral, puis j’ai remplacé régulièrement les professeurs de Karaté et de Jujitsu à Bordeaux. Tout cela m’a beaucoup fait évoluer. C’était une nouvelle étape, et la rigueur nécessaire pour une bonne transmission aux autres m’a aussi beaucoup fait progresser moi-même.

En 2010, j’ai créé l’association Karaté Evolution. Le but premier était d’utiliser cette association pour organiser des stages. En effet, il est plus facile d’organiser un événement par le biais d’une association qu’en son nom propre. De plus, cela a permis à certain de mes élèves d’avoir une licence commune et de pouvoir représenter le club en compétitions et en stages.

Commençant à penser à mon futur de Karatéka, j’envisageais déjà d’être professionnel, je me suis consacré un peu plus à la compétition où j’ai radicalement changé d’état d’esprit. Je voulais maintenant gagner car je pensais que cela pourrait m’apporter un plus dans le futur. Tous mes entraînements des années passées m’ont beaucoup servi, et les saisons 2010, 2011 et 2012 ont été très fructueuses. J’ai notamment remporté tous les titres en Gironde et en Aquitaine, en combat et en kata, en individuel et en équipe.

A la suite de mon doctorat de chimie que j’ai terminé fin 2011, j’ai pris la décision de quitter les laboratoires et la recherche pour me consacrer uniquement à la pratique et à l’enseignement des arts martiaux. Personne ne m’a soutenu au début. On me disait que j’étais fou. C’était une période difficile, j’avais un peu l’impression de devoir soulever des montagnes pour m’en sortir et montrer à tout le monde que j’avais raison de faire ce choix. Que c’était tout simplement possible. Que j’avais choisis mon chemin.

En 2012, le 3ème Dan et le BEES en poche, j’ai franchis un cap puisque j’ai utilisé toutes mes économies pour créer un dojo à Libourne. Ce lieu est alors devenu le hombu dojo du Karaté Evolution. Et c’est toujours le cas aujourd’hui puisque c’est là que je dispense une grande partie de mon enseignement, et surtout où l’on pratique dans la direction que j’ai choisie. Cette même année fut ma dernière saison de compétition, et comme un signe, une touche finale, j’ai remporté la Coupe de France Combinée Kata/Combat toutes catégories. Une vraie fierté puisque c’est pour moi LA compétition. Celle qui oblige les participants à être complets et décisifs, puisque il faut présenter les katas, et que les combats se font en Ippon Shobu.

2012 a vraiment été une année charnière puisque j’ai rencontré Léo Tamaki et le Kishinkaï Aïkido. J’y ai trouvé exactement le complément que je recherchais pour mon Karaté. L’école Kishinkaï m’a également permis de rencontrer beaucoup de pratiquants de qualité avec qui je prends un plaisir énorme à pratiquer, et à échanger sur la pratique martiale.

Ensuite, j’ai eu la chance de pouvoir débuter la pratique du Shinbukan Kuroda Dojo sous la direction de Kuroda Tetsuzan. Il est sans nul doute l’un des experts du plus haut niveau que j’ai pu voir. Et surtout quelqu’un qui prend le temps de nous faire sentir les chose en travaillant directement avec ses élèves afin de nous donner le maximum. Ainsi, j’ai pu me rendre réellement compte de son niveau d’excellence. J’ai aussi commencé à pratiquer avec Hino Akira, qui est lui aussi un grand expert qui a exploré de nombreuses directions. Tous deux sont reconnus au japon et dans le monde entier pour leurs compétences, et n’ont fait que renforcer mes choix et mes directions de travail tant leur niveau est impressionnant et leurs recherches intéressantes.

En effet, depuis quelques années, j’avais décidé de modifier ma pratique. En étant professionnel des arts martiaux, le temps de pratique est très important, il faut donc savoir comment travailler pour ne pas infliger à son corps une pratique physique trop intense. De plus, je pars du principe que les arts martiaux doivent être accessibles à tous, que l’on doit y progresser toute sa vie, même en vieillissant. En bref, et même si cela peut toujours paraître utopiste, le petit plus faible doit pouvoir battre le grand plus fort. C’est en me basant sur ces principes que j’ai modifié ma pratique pour mettre en avant l’utilisation du corps avec décontraction, souplesse, fluidité, et diminuer l’utilisation des capacités physiques.

Depuis 2014, ces changements ont pris tellement d’importances pour moi, pour certains élèves, et même certaines personnes qui me suivent en stage, que j’ai commencé à imaginer et « codifier » ma propre pratique. Aujourd’hui, après plus d’un an et demi de réflexions et de préparation, cela a porté ses fruits, et la rentrée 2015 sera la naissance officielle du Shinjukaï Karate Do.

Il est vrai qu’aujourd’hui, je ne me retrouve plus vraiment dans la pratique du Karaté du plus grand nombre. Pour moi, le Karaté dit « traditionnel » est souvent pratiqué de manière trop « figée » et basé sur la force physique (même s’il ne faut pas généraliser), et le Karaté dit « sportif » prend de son côté beaucoup trop d’importance. Et les deux mettent beaucoup en avant les qualités physiques de vitesse et d’explosivité. De mon coté, je préfère mettre en avant la rapidité par une technique épurée et le ressenti pour un bon timing. Bref, je m’exprimerai prochainement à ce sujet dans un autre article.

Tout cela pour dire que je continue mon chemin, un peu en dehors des sentiers balisés, mais avec toujours plus d’envie et de plaisir. J’ai ma vision de la pratique, et petit à petit, je la partage avec de plus en plus d’élèves et de compagnons de pratique. Et ensemble, nous allons essayer de faire vivre cette vision du Budo.

Mais il faut travailler encore et encore. Et pour cela, je vous attends 😉

En 2020, je décide de quitter la Fédération Française de Karaté qui ne représente plus à mes yeux la pratique qui m’intéresse et dont le fonctionnement, comme celle de tous les trop grands groupes, n’est à mon sens pas compatible avec une bonne évolution du Budo.

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Nicolas Lorber
né le 9 juin 1985

  • Enseignant professionnel d’Arts Martiaux:
    Diplômé d’Etat (DEJEPS et BEES 1°) et Instructeur Fédéral FFKaraté
  • Fondateur du Shinjukaï Karatedo
  • Gradé et enseignant dans plusieurs disciplines :
    Karatedo Shotokan, 5°Dan
    Aïkido Kishinkaï, 4° Dan
    Mais aussi Judo, Jujutsu, Boxe Pieds Poings, Self-Défense
  • A écrit dans plusieurs magazines d’arts martiaux
  • Docteur en sciences de l’Université de Bordeaux
  • Ancien champion de Karaté Combat et Kata
    Vainqueur de la coupe de France combinée kata/combat
  • Ancien membre du comité directeur départemental FFKaraté et Directeur Technique départemental de la Gironde

2 commentaires

  1. […] Au-delà de sa légendaire bonne humeur, ce qui m’a plu chez Nicolas c’est sa vision de la pratique martiale. Ayant étudié de nombreux arts, côtoyé de nombreux Senseï, fait de la compétition à haut niveau (il est notamment champion de France Karaté 2012 – Kata/Combat toutes catégories) et enseignant depuis plus de 15 ans, il a énormément de recul sur les arts martiaux. Son riche parcours (entre autre ) est détaillé ici. […]

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