J’ai posé mes dix questions à Areski Ouzrout
Nom : OUZROUT
Prénom : Areski
Date de naissance : 26 avril 1961
Discipline : karaté
Dojo : Asnières et Meudon-la-Forêt
Site Internet : www.karate-france.com
Tes senseï (d’avant et d’aujourd’hui) : Jean-Louis Morel et Pierre Berthier
Auteur des livres : « bunkai, l’art de décoder les katas » et « karaté, l’efficacité à portée de main » chez Budo édition.
Les 10 questions
1 – Pourquoi et quand as-tu débuté les arts martiaux ?
Au départ je cherchais une méthode de combat pour savoir me défendre. Un copain m’a parlé du karaté, alors on est allé à la bibliothèque et nous avons emprunté un livre, c’était « le karaté » de Ennio Falsoni. On a déchiffré le livre et commencé à reproduire les techniques qui y étaient décrites, puis appris les katas, seuls. Ensuite, je ne sais plus trop comment, j’ai eu l’occasion de lire « le guide marabout du karaté » de Roland Habersetzer. Grâce à ce livre j’ai compris que le karaté n’était pas uniquement une méthode de self-défense mais aussi un cheminement pour un développement personnel, qu’il y avait une philosophie, un savoir vivre et un savoir être. C’est à ce moment-là que je me suis sérieusement intéressé au karaté et que j’ai ressentit au fond de moi que c’était vraiment ce qu’il me fallait.
Bien sûr, à cette époque je n’avais que 12 ans et je ne comprenais pas vraiment ce que je lisais, mais j’avais le pressentiment que ça pouvait m’aider à canaliser ma propre violence, surmonter mes difficultés et m’aider à vivre.
2 – Pourquoi continuer ?
En fait quand je me suis inscrit pour la première fois dans un dojo, je savais que j’entamais une démarche qui se prolongerait toute ma vie. Je me souviens que j’avais dis cela à une ceinture noire du dojo, Hamed, et il m’a répondu « pratique déjà pendant deux ans et après on verra ». L’année suivante, c’est lui qui arrêta le karaté et moi je n’ai jamais cessé de m’entraîner.
Il y a bien sûr eu des hauts et des bas, et j’ai failli arrêter à plusieurs reprises. Ma motivation a évolué au fil des années. Aujourd’hui je cherche à trouver une harmonie entre les différents aspects de mon être, mon corps, mon esprit, mon âme, et à partir de ce centrage je cherche à être en résonance avec le monde, les gens. Dans cette dialectique entre l’intérieur et l’extérieur, je me construis, je grandis, je dépasse mes peurs, je deviens plus confiant. Je continue le karaté tout simplement parce que la pratique me fait du bien, elle me connecte à mon authenticité et aux autres.
Je continue le karaté car la pratique et l’enseignement m’apportent beaucoup de joie et je crois qu’il n’y a rien de mieux que de suivre la voie du cœur pour aller vers ce qui rend heureux. Quand on est joyeux dans ce que l’on fait c’est que l’on est sur son chemin.
3 – Les orientations de ta pratique ?
Pendant maintenant plus de 40 ans de pratique j’ai eu l’occasion de m’entraîner avec différents experts, en cherchant parfois à les imiter. Mais aujourd’hui j’ai compris qu’il est important de trouver sa propre façon de pratiquer. Je recherche à développer des principes fondamentaux comme la connexion, le relâchement, l’utilisation de la respiration, l’anticipation et l’utilisation économique et optimale de la force. La technique est importante mais n’est pas un but en soi, c’est uniquement un moyen pour comprendre les principes fondamentaux. Il faut donc l’étudier avec minutie mais savoir s’en libérer au bon moment.
4 – Comment s’entraîner ?
C’est une question difficile car il existe tellement de façons de s’entraîner, et heureusement ! Ce qui convient pour une personne ne convient pas à une autre… Il faut construire ses entraînements à court, moyen et long terme en fonction des objectifs que l’on se fixe. Même si l’on est élève et que c’est le professeur qui dirige le cours, il faut devenir acteur de sa progression en cherchant à prendre conscience de ses défauts, de ses erreurs. Il faut aussi avoir un sens critique et s’interroger sur ce qu’on nous enseigne. Je ne dis pas de critiquer le professeur mais d’expérimenter par soi-même et se faire son propre avis.
Ensuite, je dirais qu’il faut s’entraîner en prenant du plaisir à ce que l’on fait, du plaisir à partager avec les autres.
5 – Comment enseigner ?
L’enseignement est pour moi un partage d’expérience et de connaissance qui ne peut se faire que dans un rapport authentique et éthique. L’attitude de l’enseignant doit être humble, il n’est que le jardinier qui arrose la fleur. Finalement on ne sait que peu de choses et nos certitudes d’hier peuvent s’effondrer comme un château de cartes. L’enseignant cherche toujours à approfondir ses connaissances et se remet en question. L’élève vient à nous car il nous fait confiance et nous devons être à la hauteur de cet investissement. C’est donc dans le respect profond de ceux qui nous font confiance que nous devons partager nos connaissances.
Pour ma part je pratique souvent avec les élèves et ils m’aident à évoluer. Ils croient que je suis le professeur mais en réalité ce sont eux qui me font progresser. Quand je les aide à avancer, à surmonter une difficulté, de mon côté, je soigne mes blessures, je réhabilite mon enfant intérieur et je grandis. Les élèves m’apportent beaucoup plus que ce que je ne leur apporte.
6 – L’évolution des arts martiaux ?
Les arts martiaux ont toujours évolués au fil des siècles, et ils continueront à évoluer. Evoluer ne veut pas spécialement dire devenir meilleur ou plus performant, il s’agit plutôt d’une adaptation à son environnement.
Les techniques conçues autrefois pour sauver sa vie permettent aujourd’hui de préserver sa santé, de mieux vivre avec les autres et avec soi-même. Le karaté que je fais aujourd’hui est différent de celui que je pratiquais à mes débuts. Il y a donc toujours une évolution, que ce soit à l’échelle personnelle, d’un groupe, d’une nation, du monde. Tout est en mouvement, car c’est le principe même de la vie. Quand les arts martiaux cesseront d’évoluer, ce sera la fin de ces disciplines.
La querelle des modernes et des anciens a toujours existé, et pas uniquement dans les arts martiaux. Cependant, nous avons la chance en karaté d’avoir des katas qui sont le trait d’union entre la pratique du passé et du présent. Ils permettent de comprendre la recherche des experts d’autrefois, donc nos racines, pour mieux aller de l’avant, pour évoluer vers une pratique contemporaine.
7 – Un enchaînement technique ?
Je n’ai pas d’enchaînement technique à proposer car je ne m’attarde jamais sur un enchaînement, j’aime beaucoup la variété technique.
Les katas sont des enchaînements techniques. Alors inspirez-vous d’un kata que vous souhaitez approfondir, cherchez à extraire quelques principes fondamentaux. A partir de ces principes créez vos propres techniques et vos enchaînements pour développer un karaté unique, le votre.
8 – Une anecdote ?
Dans un des clubs où j’enseigne encore, à la fin du cours de judo un enfant va voir son professeur qui était un homme très corpulent et qui était très craint des élèves. L’enfant dit au géant « un jour je serai plus fort que vous ! ». Le professeur lui répond alors très calmement et avec beaucoup de sincérité « ça voudra alors dire que j’ai bien fait mon boulot. ».
9 – Un coup de gueule ?
Pas vraiment, même s’il y a des choses qui m’irritent comme le fait de s’entraîner uniquement pour avoir une décoration… mais c’est une motivation comme une autre. Mais à un moment je pense qu’il est bon d’évoluer, de passer de la motivation extrinsèque à la motivation intrinsèque, c’est-à-dire le plaisir de pratiquer pour soi-même.
10 – Le futur ?
Dans le Zen le temps serait une illusion. Il n’y ni passé, ni futur mais que l’instant présent. Il faut s’entraîner ici et maintenant… et j’ajouterais : souvent !
Un grand merci Areski pour tes réponses.
Vous pouvez retrouver tous ceux qui ont accepté de répondre à mes dix questions sur la page Les 10 questions
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