Nous perdons nos qualités motrices … et bien plus !!!

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Les enchaînements techniques que je faisais faire à des enfants de 4 ans il y a 10 ans sont aujourd’hui impossible avant 8 ans …

Un constat alarmant

C’est le constat que je fais. D’année en année, les enfants sont moins dégourdis dans leur corps, mais aussi dans leurs idées et la manière de les formuler. J’ai même l’impression que la dégringolade s’accélère et que les différences entre le développement moteur des enfants (et des adultes) augmentent de plus en plus malheureusement. J’en parle régulièrement avec d’autres éducateurs et nous sommes assez unanimes sur ce sujet.

Cela faisait un moment que je souhaitais préparer un article à ce propos car depuis des années le constat est alarmant, de nombreux articles et rapports d’instances sont publiés, mais rien n’est vraiment fait pour que cela change.

« Courir, sauter, lancer sont des habiletés qui se perdent chez les enfants. »
« 80% des adolescents du monde ne font pas assez de sport. »
« 75% des adultes du monde ne bougent pas assez pour rester en bonne santé. »
« On va créer une génération de cardiaques par manque d’activité physique des enfants. »
« Le manque d’activité physique entraîne une diminution de nos capacités motrices qui se répercute sur nos cellules et notre cerveau »

Voici quelques citations issues de différents textes.

Nous perdons donc actuellement nos qualités motrices.
Et avec elles, ce sont notre santé et notre avenir qui s’enfuient.

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Un mal créé par notre société

Dans notre société actuelle, le principe de précaution est souvent exagéré. Nous avons aussi l’habitude de croire que le problème vient des conséquences que l’on observe, au lieu de s’intéresser aux causes qui les produisent. La peur de mal faire, d’être jugé, d’être mal aiguillé nous encouragent aussi malheureusement souvent à ne rien faire.
Beaucoup de choses qui nous limitent, parfois même inconsciemment.

Je pense qu’il y a aujourd’hui un dérèglement à différents maillons de la chaîne composant notre système sociétal. Notre corps (et notre esprit) subit tout cela. Et les répercussions seront vraisemblablement catastrophiques si chacun ne se prend pas en main.

Sans cesse jugés

De tout temps, nous avons toujours été jugé, critiqué, montré du doigt par les autres. Mais aujourd’hui, avec les diffusions photos, vidéos, les réseaux sociaux et tout ce que l’on trouve archivé sur Internet, cela a pris une ampleur considérable, au point où nous sommes souvent obligés de jouer un rôle pour faire partie de l’histoire.

On fait croire aux gens que l’ingénieur vaut plus que le plombier, que le pharmacien est supérieur au fleuriste, que le professeur de français est plus important que celui de musique… mais il n’en est rien. Pour cela, nous faisons croire que les résultats scolaires sont ce qu’il y a de plus important, sans comprendre qu’ils sont en fait liés à tout le reste. Notre personnalité, nos capacités physiques et mentales que l’on développe au fur et à mesure ; mais aussi notre environnement familial et notre capacité de discussion et d’interaction avec les autres.

Lorsque j’étais à l’université, il y avait quelqu’un qui avait toujours eu d’excellents résultats scolaires. Durant les cinq années d’études supérieures, il avait toujours les meilleures notes. Mais malheureusement pour lui, lorsqu’il a fallu faire des entretiens d’embauche, lui qui n’avait jamais fait de sport et qui avait du mal à interagir socialement avec les autres s’est retrouvé sans rien…

Il ne faut pas oublier que l’intelligence corporelle est une forme d’intelligence à ne pas négliger car elle est utile chaque jour et dans beaucoup de domaines. Tout comme il faut aussi garder à l’esprit que les divers domaines se nourrissent les uns des autres en augmentant notre capacité d’apprentissage et d’adaptation à de nouvelles compétences.
Combien de jeunes sont chaque année mal aiguillés ???
Des jeunes à qui l’on conseille de faire ceci ou cela, car c’est mieux vu, mieux payé et qu’ils en ont les capacités. Mais la plus grande des capacités ne serait-elle pas la volonté, celle qui nous fera nous surpasser pour ce qui nous intéresse et nous passionne ???

Dans la plupart des cas, les élèves qui viennent le plus régulièrement au dojo sont également ceux qui ont les meilleurs résultats scolaires ou sont le plus à l’aise dans leur emploi.
Alors bien sûr, on pourrait dire que c’est parce qu’ils ont des bons résultats qu’ils viennent régulièrement. Mais je crois que c’est un cercle vertueux. Je vais au dojo donc je développe des capacités (écoute, attention, discipline, organisation, effort, adaptation, …). Je peux alors réutiliser ces capacités pour le travail (j’enregistre mieux, je suis mieux organisé, j’effectue mes tâches plus vite). Donc je peux venir plus régulièrement au dojo et développer encore plus mes capacités que je pourrais utiliser encore plus facilement pour le milieu scolaire ou professionnel, etc, etc …

De plus, comme aujourd’hui presque tout le monde a son BAC (voir même un diplôme supérieur), il faut bien faire la différence. Et pour accéder à telle ou telle filière, pratiquer une activité sportive est souvent un plus, parfois même décisif.
Dans mon cas, j’ai décroché plusieurs fois des entretiens d’embauche car j’étais ceinture noire de Karaté. Pour un recruteur, un ceinture noire est quelqu’un de discipliné, respectueux, qui a l’habitude du contact avec les autres et qui sait se dépasser quand il faut…  De nombreuses caractéristiques qui feront de vous un meilleur employé. Souvent, le CV de quelqu’un qui est ceinture noire se retrouve en haut de la pile. Surtout s’il pratique encore, indiquant son engagement sur le long terme et sa régularité, même une fois les premiers résultats obtenus. Puis la confiance que l’on acquière par la pratique nous permettra également d’être plus à l’aise lors des entretiens en question.

montrer du doigt

Le système scolaire

Peur d’un procès, de représailles agressives, ou de tout problème d’opposition avec une famille (ce qui prend parfois des proportions inimaginables). Peur de passer pour un fou ou d’être accusé de harcèlement ou de maltraitance en appliquant simplement des règles de bon sens et en faisant faire aux enfants ce qu’ils ont fait pendant des centaines d’années…

Aujourd’hui, on limite les arbres dans la cours de récréation pour éviter que les enfants ne s’accrochent aux branches et ne grimpent. Pas de banc, pour éviter que les enfants montent et sautent, ou pire, tombent et se cognent dessus. Plus le droit de jouer à certains jeux/sports car trop dangereux. On ne va plus faire de sport au stade car il faut y aller à pieds. Plus de barème logique pour ne pas opposer les enfants… Voici de simples choses qui retardent considérablement le développement de nos enfants.

Tout étant lié, pourquoi un enfant chercherait à évoluer et progresser dans un domaine (qu’il soit corporel ou scolaire) alors que dès le primaire, il a bien compris que même s’il ne fait pas d’effort pour s’améliorer, il passera tout de même dans la classe supérieure. Effectivement aujourd’hui, pour évoluer il suffit juste de ne rien faire… et cela se répercute sur l’ensemble des domaines. Mais jusqu’à quand ???

Ayant l’école comme modèle, il n’est pas rare de voir des parents et des enfants imaginer que l’on peut venir au Karaté en retard, avec une tenue sale, puis obtenir la ceinture supérieure en ayant participé à dix cours dans l’année. Certains n’ont malheureusement même pas conscience que, s’ils veulent enseigner correctement leur discipline, les enseignants ont un cursus technique à transmettre et des capacités physiques, mentales et morales à développer chez les élèves.
Dans ce cas, ce n’est nullement du jeu et il y aura forcement un travail à fournir, comme dans tous les domaines où l’on veut évoluer et devenir plus compétent.
Ce n’est pas de gaieté de cœur qu’un enseignant d’arts martiaux prive un de ses élèves de la ceinture tant attendue. Cela peut même être un crève-cœur lorsque l’élève en question a fait des efforts. Mais il ne faut pas mentir aux élèves. Il faut être juste, pour le bien de la discipline, des élèves, et indirectement de notre société tout entière.

Le système de santé

Prenons un exemple vécu au dojo. Pour une entorse (dans les deux cas, une bonne entorse), deux patients vont consulter deux médecins différents. Les symptômes sont identiques, les médecins ont à peu près le même discours au début mais la prescription finale fut bien différente.

Pour l’un : Attention à ne pas vous faire encore plus mal. Mais le mieux reste quand même que vous utilisiez votre pied le plus naturellement possible, mais sans forcer. Du paracétamol en cas de douleurs.

Pour l’autre : On va immobiliser le pied pendant un mois, vous aurez des béquilles, puis nous ferons des examens de contrôle avant de faire des séances de kiné. Anti-inflammatoire, anti-coagulant, anti-douleur.

Les médecins ont les mêmes peurs qu’indiquées précédemment pour le milieu scolaire. Procès, agression, patient insatisfait …
Du coup, il y a des discours très différents en fonction des thérapeutes et des patients. Certains font ce qu’ils pensent le plus approprié, d’autres prennent une marge de sécurité plus ou moins grande…
D’autres sont là car mal aiguillés par le système scolaire, ils avaient les « capacités » et on leur a conseillé de faire médecine… mais ils n’en avaient pas la vocation…

Je n’ai plus les références, mais je me souviens avoir lu plusieurs fois qu’un patient qui ressort de chez le médecin sans prescription est généralement insatisfait. Ceci explique peut-être cela.
En exagérant le protocole, le médecin se met à l’abri et garde ses « clients ». Mais fait-il ce qui est le mieux pour le patient ? Malheureusement pas toujours. Le problème étant que pour la plupart des gens, le discours du médecin reste une vérité absolue.

S’ajoute à cela, les personnes qui vont chez le médecin pour un rien et profitent exagérément de notre système de sécurité sociale, mais cela n’est pas le propos, même s’il est vrai que cela impacte car autrefois, sans ce système, celui qui avait une simple entorse faisait simplement attention quelques temps. Il ne forçait pas et il s’adaptait. Il n’avait pas envie de perdre du temps de travail (qui ne lui était pas payé) pour aller chez le médecin (qu’il aurait dû payer).
La vie ne s’arrêtait pas avec ce petit problème qui n’en était même pas un.

A de rares exceptions près, je dis qu’il est toujours possible de pratiquer les arts martiaux. Même avec une main cassée, une entorse ou une contracture, oui.
La vie ne peut/doit pas s’arrêter à chaque petit problème. Je dirais même qu’il faut savoir en tirer profit, car cela peut vous permettre de développer vos capacités puisqu’il faudra s’adapter immédiatement.
J’ai une entorse de la cheville, je ne fais pas de déplacement dynamique. J’ai eu une luxation de l’épaule, j’évite les mouvements de torsion et de grande amplitude. J’ai un problème de genou, j’évite les pivots. Problème de dos, j’évite les chutes et les torsions du buste.
La capacité de l’humain à s’adapter est ce qui lui permet d’être ce qu’il est…

Le système familial

Dans le fonctionnement parents-enfants, quels sont les changements ?
On parle de l’enfant roi, voir de l’enfant tyran.
On parle de démission des parents.
On parle aussi beaucoup du fait que nous sommes absorbés par les écrans et il est vrai que cela joue un rôle important.

On laisse jouer un enfant sur la tablette ou regarder la télé plutôt que de l’accompagner au parc (mais pendant ce temps il ne développe pas ses capacités physiques et motrices, ni son imaginaire)
Il préfère que je lui achète un jeux vidéo plutôt que de l’inscrire dans un club de sport (donc je lui fais plaisir et ne le contrarie pas. Et en plus je n’aurai pas besoin de l’accompagner).
Il doit jouer dans sa chambre, pas dans le jardin (car dans le jardin il faut que je le surveille, il va se salir et il faudra encore faire une lessive).
Il ne faut pas le brusquer et le laisser choisir donc il ne mange que des pizzas, des nuggets et des frites (mais une alimentation variée apporte le nécessaire pour développer le corps et le cerveau).
Etc …

Pire, il est parfois possible d’être considéré par certains comme de mauvais parents car on ne dit pas oui à l’enfant (et on en revient au jugement des autres).
Quoi, tu l’obliges à manger des légumes et à finir son assiette?
Quoi, tu l’obliges à aller à son cours de karaté et à son cours de musique alors qu’il n’a pas envie?
Quoi, tu l’obliges à dire bonjour et à se tenir correctement ?

Et bien oui, c’est cela qu’on appelait pendant des siècles, l’éducation.
Et être obligé à certaines choses, c’est tout simplement apprendre la vie.

Cela peut-il changer ?

Ce n’est que mon avis, mais je pense qu’il n’y aura malheureusement pas de changement à grande échelle car nous avons passé un point de non retour. On restera dans notre petit confort tant qu’il n’y aura pas une crise de grande ampleur nous obligeant à changer nos comportements. Je sais que cela peu choquer et que l’on soit clair je ne souhaite pas que cela arrive. Mais je pense juste que malheureusement il n’y a que ce genre de choses qui puissent suffisamment resserrer les liens entre les personnes pour nous faire prendre conscience de la situation. Pour que nous reprenions les bonnes habitudes pour avancer, tous ensemble dans la même direction, celle du développement et du bien-être de l’Homme et de ses générations futures.

Mais si l’on ne peut pas changer le monde, nous sommes par contre tous responsables de notre fonctionnement personnel. A nous de faire le choix de changer. A nous de respecter nos engagements et de persévérer dans ce que l’on croit juste et bon pour nous, nos enfants, les autres.
Faîtes jouer vos enfants, faîtes les se salir, faites les grimper, courir, sauter. Ils tomberont parfois mais apprendront à se relever, à faire attention et à trouver des solutions. Ainsi ils deviendront autonomes, pourront développer pleinement leurs capacités et seront les créateurs de leur futur. Faîtes les se développer en parallèle de l’école, rencontrer d’autres personnes. Faites-vous confiance. Faîtes leurs confiance. Et n’oubliez pas que ce sont les compétences qui comptent, pas les diplômes.

le monde entre nos mains

A ma toute petite échelle, j’essaie au dojo de faire mon possible pour transmettre aux autres les valeurs et compétences qui leur permettront d’être bien dans leur corps et dans leur tête. Je vois chaque année des gens qui s’investissent dans la pratique du Karatedo et pour beaucoup d’entre eux cela apporte énormément.
Alors qu’ils en observent les bénéfices, certains stoppent leur engagement pour des raisons diverses et je suis chaque fois triste de les voir se renfermer et vivre une mauvaise passe, alors qu’ils avaient une solution à portée de mains.
Les arts martiaux ne sont pas magiques, mais faire travailler son corps et son esprit régulièrement est un remède à bien des maux.

Alors vous qui êtes sur le chemin ou qui allez l’arpenter.
Courage, engagez-vous et ne lâchez pas.

Je terminerai avec une petite anecdote, une phrase qui pour moi est un peu le symbole de tous les changements de ces dernières années. Ce n’est malheureusement pas la première fois que je l’entends, mais il n’y a pas si longtemps, c’est une maman qui après avoir récupéré son enfant à la sortie du cours de karaté est venue me voir affolée en me demandant :

Que s’est-il passé aujourd’hui ? Mon fils a transpiré !

Ce n’était rien de grave, il avait juste fait une activité physique.
Mais peut-être était-ce la première fois que l’enfant se dépensait ???

PS: Je rappelle que tout cela n’est que mon constat et mon avis…

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