Dix questions à Tanguy Le Vourch

J’ai posé mes dix questions à Tanguy LE VOURCH

Tanguy Le Vourch

Nom :  LE VOURCH
Prénom : Tanguy
Date de naissance : 06/07/1984
Discipline : Kishinkaï Aïkido
Dojo : Misogi Dojo
Site Internet : www.misogi-dojo.com
Tes senseï (d’avant et d’aujourd’hui) : Principalement Jean Yves Le Vourc’h, Tamura Sensei, Kuroda Sensei, Akuzawa Sensei (pendant 3 ans), Hino sensei.

Les 10 questions

1 – Pourquoi et quand as-tu débuté les arts martiaux ?

J’ai débuté l’Aïkido à 8 ans, je voulais faire comme mon père et mon frère Yves. Les histoires des maîtres d’Aïkido que mon père nous racontait me faisaient rêver. Ensuite à 9 ans, j’ai débuté l’escrime. Je n’ai jamais su pourquoi. Mes parents non plus. Je ne connaissais personne qui pratiquait cet art, je n’avais jamais vu de vidéo ou autre. Après plusieurs années je suis retourné vers l’Aïkido car j’étais déçu par l’aspect purement sportif et je me sentais limité dans ma progression dans le club où je me trouvais. Et puis, dans mon esprit, face aux sportifs de haut niveau se trouvait maître Tamura que je voyais fréquemment avec mon père. Sa présence, sa maîtrise, son regard m’impressionnaient énormément. J’avais la sensation qu’il vivait quelque chose que je ne ressentirais jamais en pratiquant seulement du sport.

2 – Pourquoi continuer ?

Pourquoi s’arrêter ? Il y a beaucoup trop de choses à réaliser dans le cadre de la pratique pour que je songe à arrêter. Il y a autant de choses à transférer hors du cadre de la pratique. Une vie ne me suffira pas.

3 – Les orientations de ta pratique ?

Je m’inspire beaucoup dans ma recherche en Aïkido de ce que je crois comprendre du travail de Kuroda sensei, d’Hino sensei et de la mémoire que j’ai de Tamura Sensei. J’étudie aussi beaucoup avec  Léo Tamaki, Issei Tamaki, et Julien coup. Je cherche à faire vivre en moi et pour mes élèves  une pratique de l’Aïkido martialement cohérente et sensée. Un système qui amène les étudiants à aller chercher profondément en eux pour résoudre les problèmes liés à l’interaction et au conflit. L’idée est de transcender la dualité sans s’illusionner sur l’extrême difficulté que cela représente. A mon sens, chercher sincèrement en soi favorise aussi naturellement la notion de compassion.

4 – Comment s’entraîner ?

Je pense qu’il est important d’avoir une pratique régulière au dojo et en stage. Il me semble également  impératif de s’entraîner seul dans des temps dédiés. Il faut aussi chercher à intégrer les principes étudiés dans la vie quotidienne aussi bien physiquement que mentalement. Il ne s’agit pas d’une attitude corrective ou d’une ascèse mais d’une prise de conscience de ses conditionnements et blocages physiques et psychologiques. Enfin, il faut que ces trois façons de s’entraîner soient réalisées dans la joie et la légèreté. On doit jouer, explorer, découvrir, faire des erreurs et recommencer, sans sombrer dans la gravité.

5 – Comment enseigner ?

A mon sens, Il faut donner le maximum à ses élèves, ne rien garder pour soi, jamais. Cependant, il faut aussi donner en fonction de ce que l’élève peut recevoir sur le moment pour ne pas le noyer d’informations.  Il est aussi important de rester créatif dans les images que l’on donne, dans les modèles explicatifs et dans les modalités des cours pour donner des ponts d’entrée différents aux pratiquants. Un autre point important est de donner de l’autonomie aux élèves. Ils ne pratiquent pas pour copier ou reproduire, ils sont là pour réaliser.

6 – L’évolution des arts martiaux ?

Je pense que globalement les arts martiaux s’orientent vers une pratique folklorique. Les systèmes sont de plus en plus fermés et fonctionnent en vase clos. La recherche de reproduction de ce qui a été transmis et les croyances importent plus que le sens de la pratique, la cohérence ou l’efficacité.

Cependant, il y a des groupes dans de nombreux arts qui cherchent à faire vivre à nouveau ces disciplines et à mon sens c’est la seule façon de faire perdurer des pratiques qui risquent de s’éteindre graduellement.

7 – Un enchaînement technique ?

L’attaque Yokomen uchi (avec Shomen Uchi le constat est le même). C’est une attaque que je considère comme redoutable, difficile à exécuter et aussi très difficile à contrer quand la personne l’a maîtrisée. Les cadres d’entrainement en Aïkido l’ont souvent rendue désuète et totalement inefficace. Actuellement, selon moi, peu de personnes sont à même de l’utiliser correctement. Cela faisait pourtant partie des coups interdits en boxe dès la création de cet art. Je choisis cette technique car pour moi elle est représentative des errements dans les arts martiaux. Agir sur de fausses attaques, ou sur des attaques non maîtrisées ne permet pas de développer des compétences réelles. Attaques inefficaces, techniques inutiles, voire dangereuses pour soi. S’habituer à travailler dans ce genre de conditions crée des automatismes qui vont à l’opposé des capacités martiales. Il ne peut y avoir de compétitions dans les arts martiaux ou dit de survie. Il faut donc étudier avec profondeur les cadres  d’entraînement et notamment les attaques pour développer les habiletés des élèves. Que ces attaques soient tombées en désuétude est pour moi représentatif de la dégringolade du niveau en Aïkido.

8 – Une anecdote ?

 Mon père m’a raconté beaucoup d’anecdotes ! En voici une. Un pratiquant qui était 5ème dan à l’époque s’est disputé avec une autre personne dans un bar. Le ton est monté. Le pratiquant n’a pu s’empêcher de faire valoir son nombre de Dan pour impressionner l’importun. A peine avait- il fini sa phrase qu’il s’est retrouvé au sol assommé par une droite brute de décoffrage. Comme on dit à Brest « qui fait son malin tombe dans le ravin ». C’est un bel enseignement.        

9 – Un coup de gueule ?

Les enseignants qui se servent de leurs élèves comme punching-ball pour faire mousser leur ego. Un enseignant d’arts martiaux doit former ses élèves. Pour former un combattant il ne faut pas instiller chez lui la peur, la soumission, l’impuissance, encore moins l’humiliation. Dans l’escrime occidentale ou dans les koryu japonais, c’est le maître qui servait de partenaire, qui recevait la technique. De cette façon, le niveau de l’élève peut augmenter graduellement. Sa confiance aussi. Or, dans beaucoup de vidéos, un élève donne une attaque consensuelle, se fait broyer les poignets sur des clés interminables ou se fait frapper, enfin, se laisse frapper. Sa douleur fait souvent rire le public présent  dans un mélange de gêne et d’excitation glauque. Je trouve cela consternant. D’ailleurs ce genre d’attitude ne se voit pas dans les sports de combats où les gens vont réellement devoir combattre. Ce phénomène ne concerne pas le degré de violence mais le degré de domination.

Il s’agit d’une personne qui prête son corps et qui se fait malmener pour qu’un autre impose une  autorité factice dans une recherche de toute puissance. C’est un phénomène fréquent et affligeant.

10 – Le futur ?

On verra…Comme dit Desproges : « Vivons heureux en attendant la mort » !

Un grand merci Tanguy pour tes réponses.

Vous pouvez retrouver tous ceux qui ont accepté de répondre à mes dix questions sur la page Les 10 questions

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