Traité des cinq roues / Gorin-no-sho

Il y a plusieurs années, comme bon nombre de budoka, j’ai acheté mon premier livre en rapport avec le « grand » Musashi Miyamoto. Il s’agissait du classique Traité des cinq roues, aux éditions Albin Michel.

cinq roues albin michel

J’avoue qu’à l’époque, j’avais eu assez de mal à le lire. Déjà il faut dire que je n’ai jamais été fan de lecture. Autant je peux regarder un film ou une série juste pour me divertir, autant il m’est impossible de lire « juste pour le plaisir ». Ne me parlez pas de roman… Cependant, j’ai toujours plaisir à lire quelque chose qui m’intéresse.

Si j’ai eu du mal à lire le traité des cinq roues, je pense aujourd’hui que c’était simplement parce que je n’étais pas prêt. C’était trop complexe et j’étais trop jeune, incapable de faire un vrai lien avec ma pratique des arts martiaux.

Puis les années ont passé, ma bibliothèque martiale s’est étoffée, et bon nombre de lectures intéressantes plus tard, c’est par hasard en arpentant les rayon de chez Mollat (Mollat est la plus grande librairie de France, créée à la fin du 19e siècle et située en plein cœur de Bordeaux, c’est plus de 2500 m² de livres en tout genre pour près de 2 000 000 de ventes annuelles) que je me suis retrouvé face à face avec le Gorin-no-sho des éditions Budo.

Je connaissais l’existence de ce livre mais, ayant déjà l’autre, je n’y avais jamais vraiment porté attention. Cependant, sans trop savoir pourquoi, ce jour-là, je me suis mis à le feuilleter. Finalement, c’était bien le même… mais en différent 😉
Après quelques secondes de lecture, j’avais envie d’en savoir plus. Notamment, en lisant la quatrième de couverture, où il est précisé que les différentes traductions pouvaient réellement influencer la compréhension de cet ouvrage.
Si les Japonais choisissent généralement de garder le texte de Musashi dans son intégralité, les Américains auraient tendance à privilégier l’accessibilité en proposant des interprétations allant du monde des affaires à celui des arts martiaux.

Cette édition de chez Budo, propose une traduction à moyen terme qui se veut fidèle au texte d’origine, tout en optant pour un langage immédiatement compréhensible par les lecteurs du 20e siècle.

gorin no sho budo

Du coup, petit passage en caisse et je repars avec cette édition. Elle m’avait donné envie. Puis je me disais qu’avec le recule et mon évolution des dernières années, j’allais sûrement voir ces écrits autrement.

Surtout que j’ai le souvenir du fameux Karate-do, ma Voie, ma Vie, de Funakoshi Gichin.

karate-do-ma-voie-ma-vie-gichin-funakoshi-

Je l’ai lu à 3 reprises avec chaque fois une compréhension différente en fonction de mon vécu et de mon évolution. Du coup, j’espérais la même chose avec ce nouveau livre…

Et Finalement… Supense…

Et bien je l’ai dévoré. J’ai adoré, j’ai pu y faire de nombreux comparatifs avec ma pratique martiale, et la vie de tous les jours.

Comme son nom l’indique, ces écrits sont retranscris en cinq rouleaux.

Le rouleau de la terre, le premier, présente les fondements de la voie de la stratégie et de l’école de Musashi Miyamoto. Et le terme de la terre n’a pas été choisi par hasard. Car il s’agit bien ici de commencer à arpenter un chemin. Ici, la pratique du sabre ne suffit pas. Il faut s’attacher aux détails pour comprendre l’intégralité de la voie, et les petites choses superficielles permettent de comprendre l’intégralité.
Il m’arrive souvent de dire dans mes cours ou stages que, comme un sculpteur dégrossit son bloc de pierre, nous devons découvrir une technique dans son intégralité, un travail de forme en somme. Ensuite, le sculpteur à besoin de s’atteler à créer tous les détails qui en feront une vraie oeuvre d’art, et le pratiquant lui devra travailler sans relâche pour améliorer les détails et subtilités d’une technique. Un travail de fond dont découlera l’efficacité.

Travailler sans relâche, et réfléchir. Voici les maîtres mots du deuxième rouleau, celui de l’eau. L’eau prend la forme de son contenant. Ici, l’esprit s’ouvre à la fluidité et Musashi y évoque les principes de son école, celle des deux sabres. Étrangement, ce rouleau ne fait en fait allusion qu’au sabre long. Étrangement? Pas tant que ça en fait, puisque l’esprit de décision doit être présent dès le départ, et jusque à la coupe finale. Le second sabre, le plus court, n’est la qu’en « soutien », et le sabre long est à lui seul suffisant.

Dès le début, il faut la faire jusqu’à la fin

En lisant ce rouleau, j’ai repensé à plusieurs reprises à cette phrase d’Isseï Tamaki durant le stage d’été 2015 à Brest avec Tanguy le Vourc’h. Isseï avait insisté sur le fait que dès que l’on engageait le début de la technique, il fallait la faire, l’imaginer, la poursuivre jusqu’à la fin. Et je pense que l’on peut replacer cela dans le contexte de Musashi. En effet, si dès le départ on pense, et on fait ce qu’il faut pour pourfendre avec son sabre long, l’utilisation du sabre court est donc vraiment « secondaire ».

Le troisième rouleau est celui du feu. il traite de près ou de loin de tout ce qui peut faire que l’on basculera du côté de la défaite ou de la victoire lors d’un combat. L’intention, la prise d’initiative, l’observation de l’environnement et de l’adversaire… C’est réellement le fruit des nombreux combats menés par Musashi qui lui ont permis de mettre au point tous ces éléments stratégiques. Et le plus incroyable, c’est que cela reste valable dans tous les domaines. Que ce soit sportif pour un combat de boxe, ou un combat de lutte ; comme en situation de self-défense.

Connais ton ennemi et tu te connaîtras toi-même.

Cette maxime correspond bien au quatrième rouleau, du vent. En effet, dans ce rouleau, Musashi évoque les autres écoles puisqu’il pense, à juste titre, que c’est en connaissant les particularités de chacune d’entre-elles que l’on peut élaborer une stratégie adéquate.

Enfin, le rouleau du vide conclue ensuite très rapidement cet ouvrage. Musashi se sentant proche de la fin, il transmit ses écrits à l’un de ses disciples, qui le transmettra à son tour. Cependant il semblerait que l’original de ce rouleau n’est jamais été retrouvé, ce qui explique certainement le fait que ce rouleau du vide ne présente seulement que quelques lignes.

Néanmoins une chose est sûre, si je dois faire un bilan de ce livre, il tiendrait en trois mot :

  • observer
  • réfléchir
  • travailler

Au boulot donc.

Pour terminer, je ne peux que vous conseiller de lire ou relire ce livre, quel que soit votre discipline et/ou votre objectif. Sportif, martiale, défense, ou juste une progression personnelle, ce livre pourra sans aucun doute vous faire évoluer. Surtout si vous prenez la peine, et le plaisir, de le relire plusieurs fois au cours de votre parcours.

5 commentaires

  1. Bonjour,

    J’ai récemment entrepris d’acheter ce livre. N’ayant pas réussi à choisir entre les différentes éditions c’est avec plaisir que je découvre celle que vous présentez ici. Je vais donc me la procurer.

    Merci pour votre article.

    Sportivement

    Fabien

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    • Bonjour Fabien,
      C’est vrai que ce n’est pas toujours facile de choisir.
      J’espère sincèrement que vous y trouverez votre bonheur.
      Bonne lecture

      Cordialement

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  2. Merci pour ce partage Nicolas. Je m’étais aussi procuré ce livre aux éditions Albin Michel, qui m’avais également paru assez obscur. Il ne me reste plus qu’à lire cette version 🙂

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    • Bonjour Thomas,
      Ben comme on dit, ya plus qu’à…
      Après, je ne suis pas certain que cela ne vienne que de l’édition, je pense que le recul y est également pour beaucoup. Dans tous les cas, si cela t’a donné envie, c’est le principal 🙂

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  3. […] Toutes proportions gardées, je suis pourtant certain qu’il se seraient bien entendus car au dela d’une certaine ressemblance d’allure par les représentations « modernes » de Musashi et qui sont vraisembablement incertaines, ce qui auraient pu les lier auraient été certainement la création d’un renouveau dans le Budo, une recherche perpétuelle et une réelle innovation découlant de réflexions remises en question à de maintes reprises. Le Gorin No Sho est donc le fruit des réflexions de Musashi sur l’art du combat. C’est un ouvrage qui, je trouve personnellement, n’est pas facile à saisir. J’entends beaucoup de gens en parler et on trouve nombre d’articles sur le sujet sur le web et chacun y va de son analyse. De ces pamphlets, j’avais beaucoup apprécié celui de Nicolas Lorber, un budoka talentueux. […]

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