Si l’apprentissage des arts martiaux se fait par l’intermédiaire de techniques de combat, la stratégie et la gestion des situations sont elles beaucoup moins abordées. Bien sûr, elles le sont un peu de manière implicite, mais rarement les enseignants prennent le temps d’aborder ces points.
Pour certains cela paraît peut-être tellement logique qu’il est inutile d’en parler.
D’autres n’ont peut-être pas la connaissance suffisante dans ce domaine.
Enfin, il est probable que certains autres ne s’y intéressent tout simplement pas.

Or, je pense que cela est primordial d’avoir conscience de certaines choses pour travailler en bonne entente avec ses partenaires, et augmenter ainsi rapidement nos compétences corporelles et techniques.
Car à force de travailler sans penser à la réalité des situations, nous développons des habitudes contre-productives, voire même dangereuses, que ce soit pour le combat sportif, ou se défendre le cas échéant.
Quoi qu’il arrive, je ne te lâcherai pas.
Premier réflexe humain, tenir.
Quand on tient, on ne veut pas lâcher…

Il est marrant de voir des gens « simuler du combat » en continuant à saisir le poignet, l’épaule ou la tenue du partenaire.
A moins d’avoir la poigne de Hulk, une saisie n’a d’autre intérêt que de porter une attaque (frappe, étranglement, projection…)
Soit l’attaque atteint son objectif. Dans ce cas il peut être intéressant de garder la saisie pour continuer à l’utiliser, ou alors de lâcher pour avoir les deux mains à disposition.
Soit l’attaque est avortée. Et si l’attaque n’a pas eu l’effet escompté, il n’y a aucune raison de continuer à saisir puisque le partenaire devrait normalement riposter. La saisie étant alors une gêne, occupant une partie de votre esprit et vous empêchant de vous défendre avec vos deux bras. Un vrai cadeau pour l’adversaire.
Donc arrêtez de maintenir les saisies si vous ne les utilisez pas !
Si tu tires, je tire. Quand tu pousses, je pousse.
Deuxième mauvaise habitude que nous avons, s’opposer.

Il est illogique de s’opposer à la force de quelqu’un pour la bonne raison que si vous n’avez pas à disposition une force herculéenne, vous serez souvent perdant à ce jeu. Il est donc plus logique de prolonger et guider la force que tente de vous appliquer l’adversaire. Ainsi vous aurez un temps d’avance pour porter votre attaque au moment même où l’autre pense prendre l’avantage.
Donc ne vous opposez pas, acceptez et suivez (pour mieux retourner) !
Et si je me figeais là ?
Comme si cela allait arrêter le temps et annihiler toute action possible de la part des autres, nous avons aussi la très mauvaise habitude de nous figer, plus ou moins volontairement.

A moins que ce soit éducatif (ne pas se crisper en voyant une frappe arriver, développer le contrôle et la précision, permettre au partenaire d’enchaîner les frappes sans risque…), ne pas bouger face à une frappe est une bêtise absolue.
Quand on veut frapper votre tête, le meilleur moyen de ne pas être touché sera toujours de la bouger.
Face à quelqu’un qui veut effectuer une technique de projection ou vous contrôler par une clé par exemple, se figer en croyant que l’on pourra résister est tout aussi dangereux.
Soit vous êtes dans le cadre d’un exercice codifié et il n’y a pas de raison de résister puisque l’objectif est que le partenaire fasse son enchaînement et que de votre côté vous vous rendiez compte de ce qu’il se passe lorsque vous le subissez.
Soit vous êtes dans le cadre du combat et il est logique d’essayer de bouger pour ne pas subir l’attaque. Si vous vous figez pour ne pas subir un balayage par exemple, il suffira au partenaire d’enchaîner sur une autre attaque et le temps que vous repreniez votre capacité de mouvement il sera trop tard. Vous aurez été frappé.
Donc ne vous figez pas, vous deviendriez une cible immobile.
L’action ne se termine pas à votre frappe, votre clé ou à votre projection.
Ce n’est pas parce que vous avez réussi à toucher ou à faire tomber l’adversaire que l’action est terminée. D’ailleurs il n’est pas rare que l’on se fige une fois notre dernier mouvement effectué. Parfois même nous nous figeons en gardant tendu le bras qui a frappé…
Seuls les pratiquants d’arts martiaux font cela. Bien souvent vous pensez aider le partenaire à être en réussite. Mais c’est une très mauvaise habitude. Car elle vous entraîne inconsciemment à être victime du contre, à relâcher votre attention dès la fin de votre action et à être immédiatement vulnérable.
Et je ne parle même pas du combat contre plusieurs adversaires où il est évident que cela entraînerait votre perte puisque aucun des assaillants ne va s’arrêter parce que vous aurez touché l’un d’entre eux. Au contraire…

Il est important de garder l’esprit et le corps en alerte, même une fois la technique ou l’enchaînement réussi. Vous ne pourrez relâcher votre attention qu’une fois que vous serez hors distance et que vous aurez analysé la situation environnante. A l’entraînement, il s’agit de garder l’attention sur le partenaire en sortant de sa distance d’attaque, tout en étant conscient des autres binômes qui vous entourent.
Donc ne stopper pas votre attention avant d’être en « sécurité »!
Éliminez vos tics
Se passer la main dans les cheveux, remonter son pantalon, hausser les épaules, bouger les pieds sur place, se gratter le bras ou la cuisse … On a tous nos petits tics.

Plusieurs mauvaises habitudes incontrôlées que l’on prend lors des entraînements et de notre vie quotidienne et que l’on reproduira inconsciemment, même quand il ne le faudra pas.
Tous les pratiquants font ce genre d’erreurs au départ. Néanmoins, il est important pour votre progression d’en prendre conscience et de les éliminer dès que possible.
Et les attaques dans tout ça ?
Du côté du pratiquant initiant la situation avec la première attaque, il est important de respecter l’ensemble des points précédents.
Éliminer les tics et les différents appels pouvant indiquer au partenaire/adversaire le moment où vous allez démarrer votre action.
Ne pas garder le bras tendu après une attaque de poing.
Ne pas se figer après l’attaque, mais au contraire chercher à reprendre de la distance.
Si l’on saisie un bras « solide et fixe », ne pas chercher à le pousser ou le tirer en force.
Ainsi celui qui lance la première action reste dans un schéma logique et profitable pour sa progression et celle de ses partenaires.
En complément, vous pouvez lire ou relire cet article :
STOP, nous passons trop de temps à apprendre à prendre des coups.
Pour conclure
Bien sûr, tous ces points clés seront difficiles à mettre en oeuvre à grande vitesse. Mais ils sont tous importants. C’est pour cela qu’il ne faut pas hésiter à travailler lentement pour éliminer les erreurs techniques et/ou tactiques. Vous n’arriverez certainement pas à tout améliorer d’un coup. Allez-y étape par étape et donnez vous des objectifs.
Aujourd’hui, je me concentre sur cet appel. Demain, sur le fait de ne pas me figer. Un autre jour, sur le fait d’adapter mon mouvement à celui de l’autre…
Et n’oublier pas que pour bien faire il faut d’abord réussir à faire les gestes corrects lentement car c’est ainsi que notre corps et notre cerveau apprendront les mouvements justes. Ensuite seulement, on y ajoute la vitesse (qui fera vraisemblablement revenir certaines erreurs). Si vous pouvez enchaîner les techniques correctes rapidement, alors vous pourrez y ajouter plus de puissance.
Ne brûler pas les étapes.
Prendre son temps, c’est gagner du temps pour la suite …