Quel que soit le domaine, à un moment nous cherchons tous à visualiser et quantifier notre progression. A l’école, nous nous fions souvent aux notes. Dans le sport, aux titres et médailles. Au boulot, à l’échelon et au salaire. Dans les arts martiaux, c’est le grade et la ceinture qui en est le plus souvent le symbole.
Néanmoins, nous connaissons tous des contre-exemples.
Des élèves qui n’avaient pas de bonnes notes et finissent tout de même avec un haut diplôme et une grande culture générale. D’autres qui ont des bonnes notes toute leur scolarité mais se retrouvent finalement impuissants lorsqu’il faut appliquer les connaissances qu’ils ont assimilées.
Des sportifs reconnus du milieu par leur niveau mais qui ne parviennent jamais à obtenir le titre tant convoité. D’autres qui deviennent champion olympique un jour sur un « coup de poker » alors qu’ils ne sont apparemment pas les meilleurs.
Des employés « lambda » qui font un travail considérable sans en avoir le salaire et la reconnaissance. D’autres, des « grands chefs » incompétents aux salaires mirobolants.
Comme dans les arts martiaux, il y a de très bons shodan, et de mauvais « hauts gradés ».
Tout cela n’a en fait que l’importance que l’on y accorde. Et le principal inconvénient est ici de chercher à comparer les personnes entre elles au lieu de se concentrer sur l’évolution de chacun.
Que l’on soit un débutant ou un pratiquant avancé, il faut donc garder à l’esprit qu’il ne sert à rien de chercher à visualiser sa propre évolution en se comparant aux autres. C’est une chose personnelle qui ne concerne que notre propre personne.
Alors comment visualiser sa progression ?
1/ Les phases de l’apprentissage
Pour comprendre la progression, il est important de comprendre les différentes phases de l’apprentissage.
Phase 1 : Incompétence inconsciente.
Je débute et je ne suis pas encore conscient de mon incompétence. Je suis motivé car j’imagine que je vais réussir à faire ce que j’ai en tête.
Phase 2 : Incompétence consciente.
Après quelques jours, ou mois, je prends conscience que ce qui pouvait me paraître simple de l’extérieur ne l’ai pas du tout. Je deviens conscient de mon incompétence. C’est à cet instant que ma motivation risque de baisser, et que je peux être tenté d’arrêter. En effet, la difficulté à se remettre en question et à accepter son incompétence peut être un cap difficile que l’on a pas envie de surmonter.
C’est là qu’il faut se rappeler que la seule différence entre un pratiquant avancé et un débutant, c’est que l’avancé a pris la peine de persévérer. Tout le monde peut y arriver s’il le veut et s’en donne les moyens.
Phase 3 : Compétence consciente.
A ce stade, nous somme conscients de ce qu’il faut faire. On connait les différentes étapes des mouvements. Et même si on est loin de la perfection, on est capable de porter son attention sur telle ou telle chose pour s’améliorer. Cette phase est longue. C’est là que l’on pose les bases et qu’il faut répéter et répéter les mouvements pour acquérir la forme, puis pouvoir ensuite lui donner du fond. Certains choisiront de s’arrêter là, souvent lassés par un côté un peu répétitif et l’effort de concentration et d’application nécessaire pour modifier les détails qui forgent notre pratique de demain.
Phase 4 : Compétence inconsciente.
Si j’étais conscient de mes compétences, comment en devenir maintenant inconscient serait une évolution ? Bizarre non ?
En fait, il ne s’agit pas réellement d’en être inconscient, mais plutôt de ne plus avoir besoin d’y porter notre conscience. Il n’est plus nécessaire de se concentrer sur tel ou tel aspect d’un mouvement pour que ce soit techniquement juste. Je n’ai plus besoin de porter attention à ma main ou à mes pieds, ils savent naturellement ce qu’ils doivent faire.
Lors de cette étape, il faut laisser vivre les techniques et leur donner du fond.
Bien évidemment, ces phases ne sont pas des « cases » dans lesquelles nous nous trouvons, et il est bien évident que dans la globalité de notre pratique, nous sommes à chaque instant à l’intersection de plusieurs phases.
Par exemple, si l’on pratique un kata que l’on travaille depuis 20 ans, on l’effectuera de manière compétente inconsciente. Mais si juste après, on en découvre un nouveau, on passera par les phases 2 d’incompétence consciente, puis 3 de compétence consciente.
Et oui, on continue à apprendre toute sa vie !
La progression se fera donc par étapes. Étapes qui recommenceront de manière perpétuelle à chaque fois que l’on découvrira quelque chose de nouveau. C’est pour cela que se tromper, c’est déjà progresser. Car si on se trompe, c’est que l’on commence l’apprentissage de quelque chose que l’on ignorait. La connaissance et la maîtrise ne sont donc qu’à l’autre bout du chemin.
2/ Courbes de visualisation
Pour mieux visualiser la progression, je vais vous proposer plusieurs courbes.
Je précise que cela n’est que ma vision et que je ne prétends pas détenir une vérité absolue.
Progression ressentie.
Cette courbe bleue représente notre évolution en fonction du temps telle que nous la ressentons.
Il s’agit en fait d’une progression en escalier, alternance de phases « de stagnation » et de phases de « progression ». Ces deux phases peuvent avoir des durées plus ou moins longues en fonction de la qualité et la quantité de votre entrainement. Néanmoins, pas de panique à avoir, car à partir du moment où l’on pratique, on progresse toujours. Si vous avez l’impression de stagner, c’est que vous vous rapprocher de votre prochaine phase de progression. Il ne faut donc pas se décourager.
Progression visible.
D’un point de vue extérieur, notre progression est visible différemment et suivrait plutôt une courbe semblable à celle-ci en rouge. Une progression en trois temps.
Lente au début. Cela peut durer plus ou moins longtemps en fonction du temps que vous pourrez consacrer à votre entrainement. Globalement les deux premières phases d’apprentissage. Une croissance forte au milieu, après quelques années de pratiques supplémentaires. Croissance correspondant à la troisième phase d’apprentissage. Puis une évolution très faible pour finir. Evolution parallèle à la quatrième et dernière phase de l’apprentissage.
Bien sûr, si d’un point de vue extérieur la dernière évolution peut paraître minime, la réalité est tout autre.
Pour le comprendre, il suffit de prendre un exemple comme le saut en longueur. Si un athlète passe de 5 à 8 mètres, cette évolution de trois mètres sera très importante. D’autre part, si un autre athlète réussit à passer de 8m70 à 9m00, il n’aura progressé que de trente centimètres, soit 10 fois moins que le précédent. Mais cette infime progression lui permettra de battre le record du monde, et de gagner de nombreux titres. Et c’est ce qui fait la différence.
Progression réelle.
Si les courbes de progression ressentie ou visible sont intéressantes à observer. Le plus important n’est pas ce que l’on ressent ou ce que les autres voient, mais plutôt la réalité des choses.
Comme je l’ai dit plus haut, tant que l’on pratique, nous progressons. Nous avons également vu que ce qui peut paraître parfois négligeable comme la progression de trente centimètres de notre sauteur en longueur, avait finalement beaucoup plus d’importance. Et que c’est même ces petits détails qui font la différence.
Nous pouvons donc en conclure que nous progressons dès le début et que chaque petite chose que nous améliorons entraînera finalement de grandes retombées en terme de progression globale. Notre évolution au fil du temps suivra donc une courbe exponentielle semblable à la courbe verte.
Régression et oublie.
Personnellement, je crois que dans toute chose, on progresse ou l’on régresse. La stabilité et la stagnation n’existent pas. Ce qui est valable pour la progression, l’est donc (malheureusement) aussi pour la régression et l’oublie.
Il y a quelques jours, j’ai vu un reportage sur l’INSEP. Un des entraîneurs nationaux de tennis de table parlait de la régularité de l’entrainement. Il expliquait que le tennis de table est une discipline où le sportif utilise principalement des mouvements de corps instinctifs et réflexes. A ce niveau, si un de ses jeunes perd un jour d’entraînement, il lui faut au minimum cinq jours d’entrainement pour récupérer les capacités qu’il avait la veille du jour où il s’est arrêté.
Pour ma part, je fais le même type de constat avec les pratiquants qui ratent quelques semaines ou ne s’entraînent pas pendant les vacances scolaires. Il faut de longues semaines pour remettre la machine en route.
Lorsque l’on est pratiquant, cela n’est pas un problème. Mais il faut juste en avoir conscience pour ne pas mal gérer la situation de non-progrès qui pourra suivre.
3/ Les grades
Dans la plupart des arts martiaux modernes, l’évolution des pratiquants est représentée par une ceinture et un grade. Si celui-ci peut être un symbole de notre progression, il n’est en aucun cas celui de notre niveau ou de nos capacités à combattre. Il faut donc garder les pieds sur terre et continuer à aller chercher l’amélioration des détails qui seront la clé de notre évolution future.
Personnellement, le principe des passages de grades actuellement proposés par les grandes fédérations ne me convient pas, car il ne prend pas assez en compte le type de pratique et l’évolution du pratiquant. Parallèlement, certaines écoles font aujourd’hui des passages de grades de qualité, en fonction de leurs propres attentes et en connaissant vraiment les candidats. Et j’espère que cela continuera à se développer dans le futur. Car on peut se poser la question de l’intérêt à donner à des grades que l’on va passer ici ou là et qui n’ont rien à voir avec la pratique qui nous intéresse. N’est-il pas plus juste de se baser sur la reconnaissance de notre travail par nos partenaires et enseignants ?
De votre côté, que vous passiez un examen qui corresponde bien ou pas à votre pratique, vous devez malgré tout toujours y trouver du positif. Car cela reste un bon exercice quoi qu’il en soit. Il y a toujours une pointe de stress et il faut donner le meilleur de soi-même le jour J, même si l’on est pas dans les meilleurs dispositions. On peut se retrouver mis en difficulté par le jury et/ou les partenaires, et tout cela fait partie des choses importantes pour notre progression. Choses que l’on ne peut pas forcément trouver dans le quotidien du dojo.
S’ils ne sont pas une fin en soi, les examens de grades vous permettent d’évoluer et de jalonner votre parcours martial. Et s’il est normal d’être fier de la réussite d’un grade, cela ne doit pas exacerber notre ego. Il ne doit en rien être un outil de comparaison par rapport aux autres. On risquerait de se décourager en se comparant à quelqu’un qu’on juge meilleur, ou de diminuer ses efforts en se comparant à quelqu’un qu’on juge moins bon. Dans les deux cas, c’est une erreur. Un grade est juste la reconnaissance logique du travail, de l’évolution, et du chemin parcouru. Chemin qu’il faut continuer à arpenter sans cesse tant celui-ci pourra vous apporter bien-être et épanouissement personnel.
En conclusion
Pour conclure, n’oubliez pas qu’il faut laisser le temps faire son oeuvre, et que vous ne pourrez vous rendre compte de votre progression que quelques temps plus tard. Car il y a toujours un effet retard dans notre évolution suite à un nouvel apprentissage. Il faut juste laisser les choses mûrir avant de pouvoir les récolter.
Je reprendrais aussi les phrases suivantes qu’il est important de garder à l’esprit:
A partir du moment où l’on s’entraîne sérieusement, on progresse.
Se tromper, c’est déjà progresser.
Chaque petit détail entraîne une grande progression, même si celle-ci n’est pas forcément visible et peut paraître négligeable.
et je terminerais avec cette citation de senseï Kase
L’important est de progresser, chacun à son rythme, par rapport à soi et non pas par rapport aux autres. Nous savons que rien n’est acquis définitivement et qu’il convient de ne jamais perdre ni humilité ni patience. Taiji Kase
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beau blog. un plaisir de venir flâner sur vos pages. une belle découverte. un blog très intéressant. J’aime beaucoup. je reviendrai. N’hésitez pas à visiter mon blog. au plaisir
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Bonjour,
Heureux que le blog vous intéresse.
je ne manquerais pas d’aller visiter le votre.
Bonne continuation à vous
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[…] Comment visualiser sa progression ? Stop, nous passons trop de temps à apprendre à prendre des coups ! Le professeur, c’est vous. La forme et l’état d’esprit, un passage obligé vers le fond. A côté du travail, le talent n’est rien. Aider son partenaire pour progresser ensemble. C’est difficile. […]
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