Il n’y a pas de blocage en Karaté

Je sais, cela peut en faire bondir certains, mais pour moi

Il n’y a pas de blocage en karaté

Déjà, il faut dire que le mot blocage est très mal choisi.
En français, le mot blocage signifie faire action de bloquer, donc d’immobiliser, empêcher d’évoluer. En karaté, lorsqu’on effectue ce que l’on appelle un blocage, en aucun cas nous immobilisons le partenaire ou son attaque.

En japonais, on parle de uke waza.
Age uke
pour un blocage remontant, soto uke pour un blocage extérieur, uchi uke pour un blocage intérieur, etc…
Uke vient du verbe ukeru qui signifie recevoir, et non bloquer.
Et cela prend tout son sens puisqu’il s’agit des techniques permettant en fait de recevoir une attaque sans être blessé.
D’ailleurs, certaines techniques ne comportant pas le suffixe uke sont également classifiées parmi les blocages. Gedan baraï par exemple qui correspond à un balayage de la surface basse par le bras.
Beaucoup d’autres techniques peuvent indifféremment être offensives ou défensives suivant leur utilisation. Empi uke pour un blocage avec le coude, empi uchi pour une attaque avec le coude. Même un coup de poing ou un coup de genou, souvent considérés comme des techniques purement offensives, peuvent être utilisés de manière défensive. L’étude des katas et bunkaï nous montrent d’ailleurs clairement cela.

Mais alors pourquoi appeler cela un blocage ?

Vraisemblablement, c’est la traduction vers l’anglais qui a induit cette erreur.
De ukeru en japonais, on est passé à to block en anglais. Ce qui a ensuite été traduit en français par bloquer … Et l’on parle donc de blocage.
Si l’on avait traduit ukeru par to receive en anglais, nous parlerions certainement en français de réceptionner une attaque et non de la bloquer.

On en vient donc au sujet principal de l’article :

Il n’y a pas de blocage en karaté

Comme nous l’avons vu précédemment, beaucoup de techniques peuvent à un moment être considérées comme des blocages, ou plutôt des techniques de réception. Pour ma part, j’appelle cela des prises de contact dans mon vocabulaire usuel.
L’objectif étant que l’attaque de l’adversaire ne m’atteigne pas tout en prenant contact avec lui, en prenant l’ascendant sur lui, et en me plaçant dans une situation me permettant de placer une frappe ou toute autre technique.

Bien souvent lorsque l’on parle de prise de contact, cela est assimilée à quelque chose de fin, de doux pour celui qui la reçoit. Mais alors, peut-on parler de prise de contact lorsque l’on effectue un blocage à pleine puissance comme on le voit bien souvent en karaté ?

J’ai envie de répondre OUI et NON…

Oui, car effectivement, notre main, notre bras, ou autre, va effectivement rentrer en contact avec le bras, la jambe, ou le corps du partenaire.
Et non, car dans ce cas, il s’agit tout simplement d’une attaque.
En effet, si l’on développe suffisamment de puissance (sans forcément que cette puissance soit énorme) et qu’on le fait au moment opportun, nous atteignons alors directement la structure et l’équilibre du partenaire. Et tout comme lors de l’exécution d’une projection ou d’un contrôle articulaire, il s’agit bien d’une situation offensive. Autre possibilité, que cette prise de contact du partenaire, cette attaque, soit effectuée en frappant un point précis du corps, notamment les coudes, les genoux ou les biceps, rendant invalide la zone en question.

Plutôt que de parler d’attaques ou de défenses, de frappes ou de blocages, je pense plus intéressant d’un point de vue martial de parler de situations ou de phases offensives ou défensives. (Et pas de techniques offensives ou défensives puisque comme nous l’avons vu, celles-ci peuvent facilement passer de l’une à l’autre).
Bien évidemment, ces mots resteront usuels dans notre vocabulaire à tous, mais plus que les mots, c’est l’état d’esprit qui y sera associé qui est important. Et cette prise de conscience est je crois indispensable à une bonne compréhension et une bonne pratique.

Toujours d’un point de vue martial, je ne vois qu’une seule réelle possibilité de phase défensive, celle ou l’on recule pour partir, pour s’enfuir.

Tout le reste doit se faire avec un état d’esprit offensif. Même un pas de retrait, même une esquive, même un blocage, qui malgré leur aspect défensif n’auront d’autre but que d’aller de l’avant. Dans le cas contraire, cela entraînera forcement la défaite face à un adversaire compétent. Adversaire sur lequel nous devons reprendre l’ascendant dès le premier temps du combat, afin d’éviter qu’il puisse enchaîner des attaques à répétition et que nous nous retrouvions dépassé.

kase-tate-shuto

Cette photo de senseï Kase nous le montre bien. Il y est difficile de savoir s’il s’agit d’une attaque ou d’un blocage. Cependant, il est clair que l’état d’esprit reste lui offensif. Et qu’il s’agisse de l’un ou de l’autre, le résultat sur l’adversaire serait vraisemblablement le même.

Une fois de plus, les principes et l’état d’esprit qu’on y associe sont bien plus important que les techniques en elles-mêmes. La forme est une chose, le fond en est une autre. L’un ne va pas sans l’autre, et la forme seule n’est qu’illusion.

Gardons cela en tête et il ne nous reste plus qu’à aller travailler nos blocages.
Mais avec intention, et un état d’esprit offensif en tout temps 😉

11 commentaires

  1. Effectivement, la notion de blocage est une idée qui bloque la pensée et donc l’action. C’est une impasse dans laquelle nous a probablement conduit le karaté destiné aux enfants d’Okinawa quand le karaté est sorti de la clandestinité. Beaucoup de pratiquants de karaté fondent leur pratique sur une idée erronée. J’ai écrit un article dans ce sens sur mon blog à paraître prochainement.

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  2. Les techniques de base utilisées pour la défense contre des attaques directes tel que le tsuki jodan chudan gedan, et mae geri, sont des techniques dont le développement se fait perpendiculairement à soit même et dont l’effet sur l’attaque est une déviation de la direction et non un arrêt de cette attaque. on peut donc utiliser le mot parade.

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    • Bonjour Jean-Louis.

      Merci pour votre commentaire.

      Il est vrai qu’il est difficile d’utiliser les bons mots dans les arts martiaux tant la technique est liée à de nombreus principes pouvant être très abstraits.

      Pour ma part, je trouve le mot parade peut être un peu trop généraliste.
      Si la parade accompagne le mouvement, si elle le dévie, ou si elle empêche l’attaque de ce développer, est-ce la même parade, ou est-ce trois choses différentes?
      Difficile de trancher.
      Peut être cela fera t-il l’objet d’un autre article 😉

      Amicalement

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  3. Je ne fais plus de blocage dans mon Shotokan depuis 1986 , avec Me Miura de la SKI-I Italie qui ma apris a faire les mouvements de blocages esquives et ne plus prendre avec les mains,ni les bras ni les jambs et voila cela correspondait tres bien au karate Sankukai de Me Nanbu qui vit a Paris. Depuis lors ma creation s’appelle TENSHINDO WORLDWIDE depuis 1996….aux USA et Europe . J’aime bien ton apercu de commentaire.
    Sur le facebook : Jacques Raymond Thomet
    LinkedIn : JacquesThe Master Thomet

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  4. Je pense qu’il faudrait penser que UKE pourrait se traduire par  » dévier une attaque ou écarter l’attaque » car celle ci se continue. Bloquer serait plutôt stopper or l’attaque peut toucher si elle n’est pas assez déviée pour écarter le danger.
    Uke peut être aussi une attaque contre attaque en déviant l’attaque car on n’utilise qu’un seul temps au lieu de deux temps , un blocage plus une contre attaque .

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