Dix questions à Alexandre Grzegorczyk

J’ai posé mes dix questions à Alexandre GRZEGORCZYK

Alex Grzeg

Nom :  GRZEGORCZYK
Prénom : Alexandre
Date de naissance : 30/06/1988
Discipline : Aïkido Kishinkaï
Dojo : Kishinkan Dojo Limoges
Site Internet : http://alexgrzeg.wordpress.com
Tes senseï (d’avant et d’aujourd’hui) : Durant mon adolescence, j’ai rencontré Jean Luc Dureisseix, élève de Mochizuki Hiroo. C’est un adepte ayant un background assez large dans des disciplines telles que le Karaté, l’Aïkido, le Katori Shinto Ryu, le Judo et le Yoseikan budo. Il m’a notamment permis de rencontrer Mochizuki Senseï à plusieurs reprises et de participer aux demi-finales du championnat de France de Yoseikan. C’est une personne qui a beaucoup d’importance dans ma pratique et mes réflexions avec qui j’échange encore régulièrement.
J’ai également suivi durant deux années l’enseignement d’Akuzawa Senseï. Même si aujourd’hui je continue ma route vers d’autres horizons, je l’ai rencontré à un moment de changement dans ma pratique et il m’a permis de répondre à un certain nombre de questions.
Aujourd’hui, je suis l’enseignement de Léo Tamaki à qui je dois énormément tant sur le plan technique que personnel, sans qui l’ouverture du Kishinkan Dojo de Limoges n’aurait peut être jamais eu lieu. Parallèlement, je suis l’enseignement de Kuroda Senseï.

Les 10 questions

1 – Pourquoi et quand as-tu débuté les arts martiaux ?

J’ai débuté les arts martiaux par le judo.  J’étais dans l’année de mes six ans et avais été bercé par les films de Bruce Lee ainsi que les histoires de judo que mon grand père et mon père me racontaient. Mon grand père pratiquait dans l’armée et me parlait souvent de ses compétitions militaires outre-mer, notamment en Asie et en Afrique. Mon père avait également pratiqué le judo durant sa jeunesse avant de s’engager.

J’ai donc poussé la porte de mon premier dojo avec mon regard candide, me laissant penser qu’en pratiquant les arts martiaux, je pourrais un jour faire la même chose que ce que je voyais dans les films. J’ai ensuite étudié la boxe et la boxe française pour finalement me rendre au dojo de Jean Luc Dureisseix et y étudier le Yoseikan Budo. Après l’obtention de mon deuxième dan j’ai rencontré Léo Tamaki. J’ai alors quitté ma région natale pour suivre son enseignement sur Paris.

2 – Pourquoi continuer ?

C’est une passion qui m’anime depuis tout jeune et continue encore aujourd’hui. Mes motivations étaient au départ la compétition. Je voulais devenir champion de Judo puis de Boxe et enfin de Yoseikan Budo. La compétition ayant un choix très limité dans l’exécution technique, de part le règlement et les protections, je me suis détourné progressivement de ce milieu.

J’ai toujours eu un problème avec les règles. Si j’avais l’occasion de mordre, marcher sur les pieds, projeter ou frapper, je le faisais. Je ne comprenais pas réellement pourquoi en judo nous n’avions pas le droit de frapper ou en boxe de projeter si nous en avions la possibilité. C’est ce qui m’a poussé à me tourner vers le Yoseikan Budo.

J’étais un enfant assez agité et dans les coups durs, le dojo était mon refuge. J’y ai appris à me découvrir. Les arts martiaux m’ont enseigné la valeur du travail et des objectifs qu’ils peuvent nous aider à atteindre. Les grands maîtres dont nous croisons régulièrement le chemin ne sont pas devenus experts du jour au lendemain. Ils ont construit leur pratique et leur corps sur la base d’un travail acharné. Si nous ne contrôlons pas toujours les circonstances de vie qui viennent à nous, j’ai appris que je pouvais contrôler mon corps et par extension ce que je voulais devenir. J’ai appris à prendre les rênes de ma destinée. Pour avancer dans la vie il faut prendre le taureau par les cornes. A mes yeux c’est assez similaire à une situation d’affrontement. Etre dans l’attente ne présage rien de bon.

La vie n’est pas faite que de hasard ou de chance, contrairement à ce que l’on pourrait croire, et dans les arts martiaux la progression n’est pas due à de simples prédispositions. Bien évidemment, on croise toujours la route de personnes mieux loties que d’autre mais en s’investissant et en ayant une pratique sincère on ne peut que progresser. Les arts martiaux m’ont enseigné à ne pas avoir d’excuses envers moi-même, vaincre mes peurs, mes doutes. Si tu veux progresser, il faut faire le maximum pour y arriver. L’important n’est pas le résultat mais le chemin parcouru.

3 – Les orientations de ta pratique ?

Mon orientation de pratique est aujourd’hui l’aïkido, plus particulièrement l’étude proposée par l’école Kishinkaï, développée par Léo Tamaki, Isseï Tamaki, Julien Coup et Tanguy Le Vourc’h. Parallèlement, je continue de suivre les réflexions de Jean Luc et échanger avec des pratiquants tel que Simon Pujol, Nicolas Lorber et suis également l’enseignement de Kuroda Senseï.

4 – Comment s’entraîner ?

Je crois que c’est avant tout une question d’envie. Si on ressent le besoin de s’entrainer en dehors du dojo alors il ne faut pas se poser trop de question, sinon on finit par avoir des doutes et passer plus de temps à se questionner sur le comment plutôt que pratiquer.

Il existe une multitude de façons de s’entrainer. L’important pour moi c’est de ne pas s’enfermer dans une méthode mais rester ouvert à tout ce qui pourrait être synonyme de progrès.

Aujourd’hui, je m’entraine régulièrement, si possible chaque jour, mais selon les périodes ma façon d’étudier varie. Mon entrainement personnel découle généralement des observations que je fais sur ma pratique et celle de mes élèves. Les élèves sont de très bon miroir. Chaque défaut est l’occasion de m’entrainer et d’étudier en profondeur le fonctionnement de mon corps pour le corriger.

Personnellement, je fonctionne beaucoup par programmation, en lien avec mes envies du moment. Certaines personnes n’ont pas besoin de programmer de séance, d’autre si. Je crois que l’important est avant tout d’être en accord avec ses désirs, ses besoins et son tempérament.

A force de chercher on trouve une façon qui nous est propre. Le principal c’est d’y trouver une forme de plaisir pour alimenter nos envies et faire perdurer notre entrainement dans le temps.

5 – Comment enseigner ?

Très bonne question. Mon parcours de Stapsien m’a permis de découvrir une multitude de méthodes d’enseignement et de théories de l’apprentissage, avec leurs avantages et leurs inconvénients.Ca a été une bonne base pour débuter mais la théorie ce n’est pas tout. Je ne crois pas qu’il y ait une méthode meilleure que les autres. Ce serait oublier que chaque élève est unique et qu’à chacun il va falloir trouver un moyen d’enseigner qui va lui être propre. Certains élèves comprennent très rapidement par observation, d’autres ont besoin de ressentir le mouvement, d’autres qu’on les guide dans le mouvement etc…

Aujourd’hui, enseigner est ma profession. Cette année j’enseigne les activités physiques et sportives à des collégiens, lycéens, classes préparatoires, en plus de mes cours au dojo et des stages. Je vois donc des publics très divers. Enseigner c’est pour moi savoir s’adapter et remettre continuellement sa pédagogie en question. Le principal à mes yeux est de le faire avec le cœur, l’envie de transmettre quelque chose aux élèves et de les voir grandir. Si ton cœur te dicte dans cette voie, tu ne peux que satisfaire aux besoins des élèves.

Lorsque j’enseigne, j’essaie de faire le maximum pour que l’élève soit au centre de mes attentions. S’il y a une part d’adaptation  à ton enseignement, au lieu, à la pratique, pour l’élève, je considère qu’avant toute chose que c’est à moi de m’adapter à sa façon d’apprendre pour l’amener le plus loin possible. Plus j’avance et plus j’ai le sentiment que l’enseignant doit se comporter comme un père.

6 – L’évolution des arts martiaux ?

Toutes les choses évoluent et les arts martiaux n’échappent pas à cette règle. Dans le monde du sabre, être figé, c’est s’ancrer et par conséquent mourir. Il en va de même pour les êtres humains, à partir du moment où tu te figes dans une situation, l’apprentissage et les possibles sont limitées. Je ne suis pas partisan de ceux qui pensent que les choses ne doivent pas évoluer. Il semble normal que chaque chose change avec son temps.

A l’inverse je ne crois pas qu’il faille chercher à évoluer les arts martiaux.  Si cela doit être le cas, cela se fera naturellement. C’est la même chose lorsque tu pratiques, l’entrainement induit un changement profond dans ton corps et ton esprit, et naturellement ils évoluent. .

Par contre, nos sempaï sont, en quelques sortes, les gardiens de siècles d’évolutions et il est important de s’y référer pour ne pas perdre cet héritage. Chaque progression se fait sur la base de l’enseignement de nos anciens et avec le temps chacun apporte sa pierre à l’édifice. C’est à mes yeux important de renouer avec nos racines pour comprendre le cheminement de leur étude et ne pas s’égarer.

Par exemple, notre contexte de vie actuel fait que nous ne sommes plus dans une période où la vie et la mort sont au centre des préoccupations et au dojo nous avons tendance essayer de conserver cette zone de confort dans laquelle nous vivons. Pourtant, il est un certain nombre de principes qu’il me semble difficile d’acquérir complètement sans sortir de cette zone. Il est donc naturel à mes yeux que les choses évoluent mais cela ne doit pas se faire au détriment de la richesse des arts martiaux.

7 – Un enchaînement technique ?

Si j’avais à donner un enchaînement se serait la combinaison des principes Irimi et Atemi, qui dicte aujourd’hui ma pratique. Ce n’est d’ailleurs pas réellement un enchaînement puisque l’un ne va pas sans l’autre. Ils sont intimement liés. Finalement,  peu importe l’enchainement technique que tu vas réaliser du moment que ces deux éléments sont présents. Lorsque j’exécute une technique je ne cherche pas à faire la technique pour la technique. Je cherche avant tout à faire Irimi / Atemi. Ensuite, suivant l’attaque de l’adversaire, la réaction de mon corps, j’essaie de m’harmoniser au maximum aux mouvements d’Aïté et ce qu’il met à ma disposition. Pour moi la technique découle essentiellement d’un instant présent en fonction de la situation et de la réaction d’Aïté.

8 – Une anecdote ?

Il y en a tellement ! L’une des premières anecdotes ayant marqué ma jeunesse fut au dojo du Brive Yoseikan Budo. Je devais être dans ma deuxième ou troisième année de pratique. Le dojo était assez réputé et de nombreux pratiquants venaient nous tester à l’entrainement. Généralement c’était les anciens qui se collaient à la tâche et ce fut une bonne expérience lorsque ce fut un jour à mon tour.

Un soir deux hommes sont venus au dojo. Leur attitude était assez nonchalante. De souvenir, ils venaient du camp de personnes du voyage qui se situait à quelques kilomètres du dojo. A cette période nous avions régulièrement des personnes du voyage qui venaient s’essayer temporairement au dojo, mais cette fois-ci l’ambiance était différente.

L’un deux s’approcha de Jean Luc, notre enseignant et lui demanda s’il pouvait l’affronter. Je ne sais pas réellement quelles étaient leurs intentions, sans doute plus de l’intimidation qu’autre chose. A leur grande surprise, Jean Luc lui répondit positivement et l’invita à monter sur le tatami. Je ne l’ai pas remarqué tout de suite, mais lorsque l’individu est monté sur le tatami, il tenait un couteau dans l’une de ses mains.

Arrivé au centre de la surface de combat, l’individu attaqua Jean Luc et en une fraction de seconde, se retrouva désarmé, le poignet en sang. Cela c’est déroulé si vite qu’il m’est difficile de décrire avec exactitude ce qu’il s’est passé. Dans tous les cas je me rappelle avoir vu le visage de cet homme se décomposer. Il a rejoint son camarade en dehors du tatami et ils ont quitté les lieux assez rapidement. Jean Luc nous a ensuite invité à le rejoindre sur le tatami pour débuter le cours. Et ce qui m’a certainement le plus marqué fut le souvenir de Jean Luc débuter son cours comme si de rien n’était. Nous n’en avons jamais reparlé. Mais à l’époque c’était l’ambiance. Des pratiquants de Sanda, Jujitsu Brésilien, Karaté, Judo venaient nous tester. Ca faisait parti de l’entrainement..

9 – Un coup de gueule ?

Concrètement, je pars du principe que du moment où chacun est heureux dans sa pratique c’est le principal. La seule chose qui aurait tendance à m’ennuyer c’est que certains dirigeants ou enseignants ne peuvent s’empêcher de tenir les pratiquants entre quatre murs par des interdits. Je pars du principe qu’il est interdit d’interdire et que chacun dois faire ce qui lui semble bon pour lui. Interdire rompt le lien de la liberté d’expression et de l’épanouissement. Pour grandir nous avons besoin d’expérimenter, essayer, découvrir de nouveaux horizons. Il en va de même au cours de l’entrainement avec les élèves. Si on a besoin d’imposer des règles ou interdire certaines choses à ses membres pour les garder, c’est qu’il y a un problème.

S’il est une chose que je me refuse, c’est de conditionner mes élèves en leur demandant de réagir de telle ou de telle façon pour que la technique fonctionne. De la même façon, quelques élèves m’ont demandé ce que je pensais des enseignants des clubs voisins. Je leur réponds généralement d’aller découvrir par eux-mêmes et de se faire leur propre opinion. Je ne souhaite pas rentrer dans une guerre interclubs ou interfédérale et critiquer mes confrères. Chacun est libre de ses choix et de ses décisions. C’est important que les élèves le comprennent et qu’ils aient une part d’autonomie dans leur évolution à l’intérieur et à l’extérieur du dojo.

10 – Le futur ?

Un chalet, des montagnes à perte de vue et la santé pour continuer de pratiquer…. Plus sérieusement, là où mon présent me conduira. Comme tous j’ai énormément de projets en tête, mais je ne souhaite pas vivre dans la projection d’un futur, ni vivre dans le passé d’ailleurs. Le futur c’est pour moi l’extension du moment présent. Je n’ai que très peu de biens. Une voiture, mes kimonos, mon dojo, mon sac à dos, pas d’économie, de merveilleux partenaires de pratique et proches qui m’accompagnent dans mes projets, c’est déjà beaucoup. Mon plaisir vient surtout de la richesse des moments de partage avec l’ensemble des personnes que je croise en dehors et sur le tatami.

La vie c’est ici et maintenant, tout comme le futur. En combat, le résultat de la rencontre est déterminé par ce que tu es dans l’instant présent. Si tu penses à la technique que tu vas réaliser et que tu te retrouves face à un expert, tu as perdu d’avance. Prendre les choses comme elles viennent, s’adapter et se donner les moyens pour avancer, par ton attitude ou ton implication quotidienne, sont en quelque sorte ma façon de vivre.

Un grand merci Alexandre pour tes réponses.

Vous pouvez retrouver tous ceux qui ont accepté de répondre à mes dix questions sur la page Les 10 questions

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